Typhaine Laurance : « J’avais peur de leur faire mal au cœur »

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

Cette fois-ci, c’est fait. Alors qu’elle avait pris sa décision il y a un mois et demi, Typhaine Laurance a annoncé son retrait des pelotons lundi soir, à travers un montage vidéo soigneusement travaillé sur les réseaux sociaux. DirectVelo a pris contact avec la Bretonne au lendemain de cette annonce pour en savoir plus sur cette décision et faire le bilan de la dizaine d’années qu’elle aura passé à haut niveau. Soulagée d’avoir été comprise par ses parents et son frère Axel, qu’elle avait tant peur de décevoir avec cette annonce, l’ancienne Championne de France Juniors sur route - c’était en 2015, aux Pieux (Manche) - peut désormais se tourner sereinement vers un avenir qu’elle imagine potentiellement dans le monde du cyclisme.

DirectVelo : À quand remonte ta décision et pourquoi décider d’arrêter la compétition ?
Typhaine Laurance : J’ai commencé à y penser à la fin du Tour de France. Après la course, je suis passée par de drôles de sentiments. Dans ma tête, c’était déjà comme si la boucle avait été bouclée. J’ai commencé à me poser des questions. Je me suis dit que j’avais peut-être fait le tour de la question, que j’avais découvert tous les Monuments et les plus belles courses du calendrier. Puis j’ai vraiment pris ma décision fin août. J’ai laissé faire le temps et c’est devenu une évidence.

Aurais-tu pu continuer avec la Conti britannique Lifeplus Wahoo ?
Oui, ils m’avaient proposé un contrat pour 2024. Ce n’est vraiment pas ma situation contractuelle qui a joué un quelconque rôle. C’est une décision purement personnelle. Je n’avais simplement plus envie de continuer.

As-tu le sentiment que tu avais atteint ton plein potentiel, à 25 ans ?
Pas forcément. Je ne suis sûrement pas allée au bout de tout mon potentiel mais ça ne me rend pas triste. En fait, j’ai surtout eu le sentiment qu’il n’était plus possible de progresser dans ces conditions-là.

« JE ME SUIS SENTIE SOULAGÉE PAR LES MOTS DE MON FRÈRE »

“Dans ces conditions-là”, c’est-à-dire ?
Financièrement, je ne gagnais pas vraiment ma vie. Du moins, pas assez pour prendre un appartement par exemple. Or, à 25 ans, je pense que c’est normal de vouloir prendre un appartement. Même pour faire un stage de quinze jours, c’était compliqué, je n’avais pas forcément les moyens de me le payer. Je roulais donc toujours en Bretagne, sur les mêmes routes. C’est un bon terrain de jeu mais ce n’est pas l’idéal pour préparer les plus belles courses du calendrier tout au long de la saison.

Tu as connu une expérience pas toujours idyllique chez Arkéa, puis le projet avorté de B&B Hôtels, et enfin cette expérience chez Lifeplus Wahoo au sein d’une équipe qui a, elle aussi, bien failli ne pas (re)partir en 2023…
Je ne me suis pas retrouvée aux meilleurs moments aux meilleurs endroits. L’année dernière, lorsque j’avais contacté Gladys (Verhulst) pour lui parler du Col-Wahoo, elle m’avait dit de foncer, que c’était top. Entre-temps, ils ont perdu un sponsor titre et il a fallu du temps pour que tout se remette en place. Le manager et le staff se sont démenés mais malheureusement, ce n’était pas l’idéal. J’ai toujours continué de me battre malgré tout. J’ai toujours suivi mes plans d’entraînement à la lettre, je n’ai rien lâché. Et ce n’est pas ça qui me fait arrêter.

Ta famille a toujours été rassemblée autour de cette passion du vélo. Tu arrêtes la compétition quelques mois après le sacre mondial de ton frère Axel, à Glasgow. On imagine que tu as beaucoup échangé avec tes proches également ? 
Dans la famille, on vit pour le vélo. Au début, j’ai gardé ça pour moi. Puis c’est à Axel que j’en ai parlé en premier, pendant l’une de nos sorties ensemble. Il m’a dit qu’à ma place, il ferait la même chose, qu’il comprenait mon ressenti et ma décision. Il m’a dit qu’il me soutenait et que si j’avais le sentiment d’avoir été au bout du chemin, il fallait passer à la suite. Je me suis sentie soulagée par les mots de mon frère. Il compte vraiment beaucoup pour moi. On a toujours tout partagé sur le vélo et le fait qu’il me dise ça, c’était rassurant. Même chose pour mes parents.

« C'ÉTAIT EXTRAORDINAIRE »

Tu avais peur qu’ils ne comprennent pas ?
J’avais peur de les décevoir. Mon père, ma mère et mon frère, ce sont mes piliers. On a toujours été liés par notre passion commune. Ça m'a fait un pincement au cœur de leur annoncer. J’avais peur de leur faire mal au cœur, justement. Je ne voulais pas qu’ils soient tristes. Mes parents m’ont dit que c’était ma décision, ma vie, et qu’ils seraient tout aussi heureux de me voir faire autre chose. Je n’avais pas besoin de leur aval car cette décision m’appartenait mais ça m’a fait du bien.

Que retiendras-tu de cette dernière décennie passée sur les courses ?  
Mon titre de Championne de France Juniors, c’était clairement le plus beau jour de ma vie sur un vélo. C’est le moment qui m’a le plus émue. Je pense aussi à toutes ces sorties de vélo avec mon frère, tout simplement. C’était super sympa et ça va me manquer. L’hiver dernier, on a vécu un moment compliqué tous les deux avec cette histoire de B&B… Mais on n’a rien lâché, on s’est serré les coudes et ça nous a rendu plus forts. Je pense aussi au Tour de France, cette année. C’était extraordinaire. Ce sont plein de souvenirs gravés à vie.

Et maintenant ? Au vu de l’annonce de ton arrêt, tu pourrais te reconvertir en vidéaste !
(Rires). C’est un peu l’idée. J’ai toujours continué mes études en parallèle du vélo car je voulais assurer mes arrières et je compte bien bosser dans la communication. C’est un domaine qui m’intéresse beaucoup. J’ai pris le temps de souffler en septembre mais désormais, je vais me pencher sérieusement sur la question de mon avenir. J’envisage de rester dans le monde du vélo. Pourquoi pas à la communication ou le relationnel dans une équipe, ou même dans les médias.


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