Eliott Pierre : « Juste heureux d’être en vie »

Crédit photo Nicolas Mabyle / DirectVelo

Crédit photo Nicolas Mabyle / DirectVelo

C’est un miraculé, et le mot n’est pas galvaudé. Fauché par un camion à l’entraînement fin août alors qu’il s’entraînait avec son pote Paul Lefaure - lui aussi durement touché -, Eliott Pierre a frôlé le pire. Cassé de partout, il a vécu un calvaire jusqu’à l’arrivée des secours, avant de passer une semaine dans le coma. Encore très affaibli et meurtri, toujours hospitalisé un mois après ce terrible accident, l’athlète de 22 ans, sociétaire de l’AC Bisontine, a donné de ses nouvelles à DirectVelo. Entretien.

DirectVelo : Question toute simple et tellement évidente pour commencer ; comment vas-tu ?
Eliott Pierre : Vraiment beaucoup mieux. J’ai passé une semaine dans le coma puis une semaine “entre-deux”, en étant là sans vraiment être encore tout à fait là. Mon état s’est amélioré sur la troisième semaine et je viens récemment de changer de service. Mais je suis toujours à l’hôpital et je devrais encore y rester une trentaine de jours.

Quelle est la situation aujourd’hui ?
Je dois passer encore un mois à l’hôpital puis j’irai dans un centre de rééducation. J’aurai peut-être des permissions pour aller à la maison une fois ou deux mais on n’en est pas encore là. Pour envisager un retour à peu près à la normale, je pense qu’il faut se projeter sur janvier 2024. Je suis encore bien amoché.

C’est-à-dire ?
Il y a beaucoup de fractures : deux à la jambe droite, deux à la jambe gauche, une au niveau du fémur… Il y a des améliorations qui font plaisir. J’arrive à bien bouger mes jambes, c’est encourageant. Par contre, à l’inverse, je ne peux toujours pas bouger mon bras droit. J’ai le bras cassé mais en plus, un nerf a été touché et il ne se passe donc plus grand-chose niveau réaction, j’ai le bras paralysé et j’ai peur que ça dure un moment… Par chance, c’est le seul membre qui me fait souffrir. Pour le reste, ça va même si j’ai également eu la mâchoire cassée. Du coup, je mange toujours mixé pendant six semaines, ce n’est pas très marrant. Pour le reste, j’ai passé trente jours allongé dans mon lit, sans pouvoir bouger. Je n’avais pas le droit de me lever. Maintenant, je peux m'asseoir de temps en temps. On appelle ça la “phase fauteuil”. J’ai la chance d’avoir beaucoup de visites de ma famille et des amis. Je les remercie tous. Les journées passent hyper vite car entre les soins et les visites, je n’ai pas le temps de m’ennuyer. 

« JE NE SUIS PAS DU TOUT ABATTU »

Et moralement ?
Je me sens bien, grâce à l’appui de mes proches. Il y a forcément des moments plus compliqués, où je suis un peu moins joyeux, mais ça revient vite. Je ne suis pas du tout abattu. Je suis juste heureux d’être en vie. Je ne suis pas déprimé du tout. Je relativise tout le reste. J’ai envie de retrouver les choses simples de la vie, voir ma famille et mes copains, passer du temps avec eux… J’ai hâte de retrouver une vie à peu près normale.

On imagine que cette semaine de coma a également été un véritable cauchemar pour tes proches…
Je pense notamment à ma copine pour qui ça n’a vraiment pas été drôle. Elle a tout géré, notamment les visites, pour savoir qui pouvait venir me voir, quand etc. Elle préparait aussi les gens psychologiquement car je n’étais vraiment pas présentable. Apparemment, c'était vraiment choquant de me voir les premiers jours. Je sais que deux-trois ont tourné de l'œil ou ont fait des malaises en me voyant. J’ai aussi des copains du monde du vélo qui ont eu du mal à aller s’entraîner après m’avoir vu.

As-tu des souvenirs de l’accident ?
Oui, je me rappelle très bien de la façon dont ça s’est passé. Quelqu’un nous a tapés par derrière donc on n’a rien vu. On a volé en l’air et en retombant au sol, j’étais cassé de partout. Je suis resté conscient jusqu’à l’arrivée de l’hélicoptère. Je ne sais pas combien de temps ça a duré, on m’a dit que ça avait été très rapide, mais pour autant, ces quelques minutes m’ont semblé être une éternité. Par chance, les personnes qui sont tombées sur nous en premier, sur le bord de la route, étaient kinés, médecins ou pompiers. Ils se sont occupés de nous jusqu’à l’arrivée des secours. Ensuite, pour le reste à l’hôpital, il y a eu cette longue phase de coma… Mais encore une fois, ça va déjà bien mieux maintenant. 

« RECOURIR UNE ÉLITE, C’EST MON RÊVE ULTIME »

À quoi ressemble une journée type à l’hôpital pour toi actuellement ?
Les infirmières me réveillent pour le petit-déjeuner. J’ai ensuite la toilette et les soins, on me change notamment les pansements. Ça dure déjà un bon moment. Il est ensuite l’heure de manger, à midi, puis j’ai des visites l’après-midi. Maintenant, je peux descendre une heure ou deux sur la terrasse de la cafétéria pour prendre l’air et boire un truc. J’ai aussi une tablette sur laquelle je passe pas mal de temps à regarder des films ou des séries. Par contre, j’évite de regarder des courses de vélo.    

Dans quel état d’esprit es-tu aujourd’hui ? Te projettes-tu sur l’avenir, imagines-tu ta vie dans six mois, dans un an ?
Ma rééducation va être tellement longue que je suis un peu dans le flou sur mon avenir. Je ne sais pas comment ça va se passer. Mais je pense que je vais relativement vite retrouver une vie normale. J’espère retrouver la Faculté lors du deuxième semestre. Ensuite, j’espère aussi remonter sur un vélo et même recourir.

Tu n’es pas dégoûté, tu n'as pas peur ?
Pas du tout. Mon objectif est de recourir une Élite, c’est mon rêve ultime, même si je pense que je n’aurai pas le niveau suffisant pour y être compétitif. Je sais qu’il ne sera pas du tout facile de remonter sur le vélo. J’ai déjà prévu d’acheter un gadget qui Bip quand une voiture s’approche trop près de moi, par exemple. Mais le vélo est ma passion et je ne veux pas m’arrêter de vivre. Je remonterai sur un vélo, j’en suis sûr.

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