Cette fois, il n’y avait personne pour frustrer l’équipe de France

Crédit photo Nicolas Mabyle - DirectVelo

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Il a fallu en retenir des émotions, quelques secondes après l’arrivée des femmes de l’équipe de France de relais mixte. Au loin, au bout de l’interminable ligne droite d’arrivée, qui mène jusqu’au fond de ligne où les assistants et journalistes s’entassent, des cris s’élèvent. Ce sont ceux du staff de l’équipe de France et du trio hommes qui attendent le dénouement. Alors qu’il ne reste que la Suisse, Juliette Labous et Cédrine Kerbaol offrent déjà une première explosion de joie aux leurs. "On ne pouvait pas faire mieux", sourit une Juliette Labous qui a les yeux déjà humides. Audrey Cordon-Ragot arrive quelques secondes plus tard, et ne peut retenir quelques noms d’oiseau qui traduisent déjà une grande joie. "On a super bien roulé. C’était dur, je sentais les jambes d’hier. Mais avec le coach dans l’oreille et les filles qui se motivaient, et les gars qui avaient bien préparé le terrain, on ne pouvait pas se louper", lâche-t-elle, alors que la victoire n’est pas encore officielle.

Les hommes rejoignent alors leurs homologues. "Machine !", crie Benjamin Thomas, avant que chacun n’essaie tant bien que mal de calmer les ardeurs. "On ne s’enflamme pas", préfèrent-ils penser. Car la Suisse n’a pas encore terminé. Mais là encore, Benjamin Thomas relance l’ambiance. "Ils sont loin les Suisses, il y avait une minute", exulte-t-il. Déjà sollicité par des médias, le spécialiste de la piste commence à raconter son émotion. Et alors une voix discrète lâche les quelques mots tant attendu. "C’est officiel, vous êtes Champions d’Europe". Cette fois, la fête peut être totale. À coups de cris, de câlins, de félicitations et de quelques arrosages, l’équipe de France exulte. "On y pensait en rigolant depuis deux-trois jours. On était un bon groupe, bien concentré. On a vécu des jours sympas, la cohésion a vraiment joué. Les filles ont fait une performance exceptionnelle. Nous, entre guillemets, on a fait ce qu’on a pu. Et elles, elles ont écrasé les pédales", applaudit Benjamin Thomas (voir classement).

« UN SOULAGEMENT ET LA SURPRISE »

Une fois la pression redescendue, quelques membres du staff ont du mal à cacher leur émotion. C’est le cas de Paul Brousse, sélectionneur des féminines, les yeux très rouges. "C’est un aboutissement. Aller chercher un titre, c’est toujours spécial. Personnellement, c’est mon premier, au bout de six ans dans l’équipe. C’est beaucoup d’émotion. On est passé par des frustrations, notamment en passant à sept secondes du titre mondial à Glasgow. Juliette (Labous) n’était pas passée loin du podium non plus en individuel, sans oublier Audrey (Cordon-Ragot) qui est passée tout près hier (jeudi), à quatre secondes… On se disait que ça ne voulait pas tourner dans le bon sens", souffle le sélectionneur des Bleues. Cédrine Kerbaol a du mal à trouver les mots. "C’est beaucoup d’émotion. Je dirais un soulagement et la surprise. Les équipes changeaient par rapport à Glasgow. On a fait un très beau chrono, autant les garçons que les filles. Il y a cet esprit collectif entre nous, on était toute la semaine ensemble, on rigole bien".

Dans un exercice où les femmes peuvent souvent faire de grosses différences, Cédrine Kerbaol, Juliette Labous et Audrey Cordon-Ragot ont détruit la montre. "On est un peu un trio. On se connait depuis quelques années. On est vraiment homogènes sur ce type d’effort. On avait la gnaque. Ce n’est pas parce qu’il y a quelques secondes qu’on ne peut pas les boucher. On a réussi à revenir. Ça marche bien et c’est motivant pour les Mondiaux de l’an prochain", explique la première citée, qui avait déjà fait équipe avec les mêmes coureuses à Glasgow. L’habituelle sociétaire de Ceratizit-WNT Pro Cycling était bien mieux que la veille, où elle a fini complètement rincée et allongée sur la route, aidée par l’assistance médicale. "Je n’y ai pas trop pensé. Hier je me suis mis la pression avant mon chrono. Je suis passée au travers, j’ai fait une contre-performance. J’avais des soucis de digestion, je n’étais pas dedans".

« J’AI EU PEUR QUE L’HISTOIRE SE REPRODUISE »

Mais les frustrations de la veille ont vite été balayées le soir, selon Paul Brousse. "Ce chrono mixte, c’est quelque chose qui nous tient à cœur. Le groupe a passé trois jours ensemble, on sent que tout le monde est heureux de se retrouver. Hier soir, plus personne ne parlait de la déception du chrono individuel, tout le monde était concentré sur ce relais mixte". Car l’équipe comptait plus que l’individualité. "Le but était de réussir à se remettre dedans aujourd’hui. On doit compter les uns sur les autres. Je ne voulais pas me foirer, sinon c’était toute l’équipe. C’était super agréable de rouler ce chrono mixte", se réjouit Cédrine Kerbaol. Sur la ligne, Paul Brousse a eu peur d’un scénario déjà vu. "On savait qu’on revenait sur les Italiennes, j’ai eu peur que l’histoire se reproduise, encore une fois, et qu’on passe tout près. Mais pour une fois, ça a tourné dans le bon sens". Benjamin Thomas a lui commencé à y croire en voyant l’intermédiaire basculer doucement côté tricolore. "Mais on ne voulait pas s’enflammer", insiste-t-il.

Mais les hommes aussi ont fait le travail. "On était satisfait, on avait donné le maximum. Les Italiens ont fait un super relais. Sur le papier, ils étaient un peu plus forts que nous", s’incline Benjamin Thomas. Le coureur de Cofidis a fait le déplacement aux Pays-Bas uniquement pour participer à ce relais mixte. "Je sors d’une période délicate sans trop courir, j’ai été appelé quatre jours avant pour remplacer un malade. J’ai essayé d’apporter ma pierre à l’édifice comme chacun. Et c’est le collectif qui a gagné aujourd’hui". Et évidemment, il a bien fait d’accepter l’invitation. "J’ai accepté tout de suite, mon équipe m’a donné l’accord. C’était une bonne chose pour me relancer sur la fin de saison. Finalement il faut suivre son instinct parfois. Parce que ça donne des beaux résultats". Et des souvenirs particuliers. "La dernière ligne droite, on l’a vécue à fond. Quand elles ont passé la ligne… Il y avait encore une équipe derrière mais on était tellement euphoriques… Ce sont des moments sympas à vivre". L’équipe de France a encore six courses pour en vivre d’autres.

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Portrait de Cédrine KERBAOL
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