Audrey Cordon-Ragot : « Personne ne décidera pour moi »

Crédit photo Nicolas Mabyle / DirectVelo

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Audrey Cordon-Ragot est toujours là, fidèle au rendez-vous. Tête de gondole du cyclisme féminin tricolore depuis de longues années, la Bretonne a connu de grosses péripéties ces derniers mois, tant physiquement que sportivement, avec ses déboires successifs du côté de la B&B Hôtels puis de la ZAAF. Tout cela est désormais du passé pour l’athlète de 33 ans, qui est finalement sur les routes de son deuxième Tour de France sous les couleurs de Human Powered Health. Avec la possibilité de jouer sa propre carte, ce qui n’était pas le cas l’an dernier chez Trek-Segafredo. Entretien à la veille du grand départ du Tour de France depuis Clermont-Ferrand.

DirectVelo : Que t’inspire le parcours de cette édition 2023 ?
Audrey Cordon-Ragot : On a été écoutées (sourire). L’an passé, on avait demandé à ce qu’il y ait un contre-la-montre, c’est le cas. C’est un beau chrono dans une ville (Pau, NDLR) qui aime le cyclisme. C’est super. C’est un parcours difficile qui ne laisse pas de place aux arrivées en sprint massif, ce qui n’est pas pour m’embêter. Je vais bien au sprint mais dans les sprints massifs, je ne suis pas hyper à l’aise. C’est un parcours plutôt positif pour moi et ça va être magnifique. Il y aura encore plus de public que l’an passé avec un intérêt autour de ce Tour qui grandit.

La semaine sera longue mais as-tu déjà ce chrono du dernier jour dans un coin de la tête ?
C’est l’étape sur laquelle j’espère décrocher un beau résultat. La veille, j'essaierai de me jeter dans le gruppetto le plus rapidement possible et passer une journée assez cool pour pouvoir aussi profiter du public qui, je l’espère, sera nombreux dans le Tourmalet, pour ensuite faire un beau chrono dimanche.

« JE NE VEUX PAS AVOIR DE REGRETS »

Quel statut as-tu au sein de ta nouvelle formation ?
J’arrive cette année dans une autre position. L’an passé, j’étais présente en tant qu’équipière et j’étais cantonnée à ce rôle-là (chez Trek-Segafredo, NDLR). Cette fois-ci, j’aurai plus de libertés. Je ne suis pas là pour jouer le classement général, je suis consciente de mes capacités en montagne. J’ai l’envie d’être dynamique à l’image d’un Julian Alaphilippe. J’ai envie de me battre et de voir où mes jambes me mèneront. Une chose est sûre : je ne veux pas avoir de regrets dimanche en franchissant la ligne de ce chrono.

On doit donc s’attendre à te voir offensive lors des premières étapes !
Mise à part le samedi au Tourmalet, toutes les étapes peuvent convenir à quelqu’un qui a les jambes. On verra aussi comment les équipes vont contrôler la course. On l’a vu sur le Giro, il n’y a pas eu forcément d’échappées qui ont été autorisées à partir. J’espère vraiment que ce Tour va sourire aux baroudeuses et aux filles opportunistes. Ce n’est pas nous qui décidons, ni moi ni mon équipe. On est là pour faire la course, pour être à l’avant et chercher des victoires d’étapes. On se désintéresse un peu du classement général et on espère qu’on nous laissera des libertés.

« ON PEUT TOUJOURS SE RELEVER »

Ce Tour de France, tu aurais pu passer à côté tant tu as connu de péripéties ces derniers mois…
Je pense que d’être au départ demain, c’est un beau pied de nez à toutes les personnes qui me l’ont fait à l’envers depuis quelques mois maintenant. J’ai envie de leur montrer que même en ayant beaucoup de bas et peu de hauts, j’arrive encore à être là, au départ. Je suis la seule décisionnaire de l’année, du mois et du jour auquel je souhaite arrêter ma carrière. Personne ne décidera pour moi. J’ai aussi envie de prouver que malgré la maladie et les soucis de santé, on peut toujours se relever et faire du haut niveau si on a l’envie et le courage. J’espère inspirer beaucoup de gens qui sont aujourd’hui dans leur lit d’hôpital ou qui ne sont pas bien. Quand ils me verront au départ, j'espère qui se diront : « moi aussi je peux le faire et dans quelques mois je serai sur pied ». C’est hyper important pour moi de passer ce message là sur ce Tour.

Que dirais-tu, aujourd’hui, à la Audrey de septembre-octobre dernier ?
Je lui dirais qu’elle a eu raison de croire en ses rêves, qu’elle a eu raison de ne pas écouter les docteurs, qu’elle a eu raison de faire les choix qu’elle a faits malgré tout. Ça fait partie de la vie, c’est ce qui m’a construite et c’est ce qui fait que je suis une Audrey différente de l’année dernière. Je suis une Audrey beaucoup plus forte, surtout mentalement, et j’espère que je serai aussi plus forte physiquement. 

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