La Pévèle Classics, le bonheur dans la douleur

Crédit photo Hugo Barthélémy / DirectVelo

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Dimanche prochain, quinze coureurs français vont participer à Paris-Roubaix U19, avec l’équipe de France, le comité des Hauts-de-France ou la formation AG2R Citroën (voir les engagés). Une semaine plus tôt, beaucoup d’autres tricolores ont pu, eux aussi, goûter à un petit bout de Paris-Roubaix à l’occasion de la Pévèle Classics, première manche de la Coupe de France Juniors, qui empruntait des secteurs pavés de la région, dont celui de Mons-en-Pévèle, également présent lors de « l’Enfer du Nord ». L’épreuve, déjà très exigeante sur le papier, a été rendue encore plus dure par les conditions météorologiques. Et pendant que tous les yeux ou presque étaient rivés - en ce dimanche Saint pour le cyclisme - sur le Tour des Flandres, une autre grande bataille avait lieu dans le même temps, non loin de là, de l’autre côté de la frontière franco-belge. 

“En se positionnant sur la ligne de départ le matin, on se disait que finir la course serait déjà pas mal”, entame Tom Herteler (Comité d’Ile-de-France). De quoi donner le ton pour celui qui a pourtant terminé aux portes du Top 10 (voir classement). “C’était très tendu dans les 35 premiers kilomètres, avant même le premier secteur. On avait pour but d’être devant et de garder un maximum de cartouches. Mais le peloton a directement cassé”, poursuit-il. Dès l’entrée du premier secteur, c’est le chaos. Matys Grisel, qui ouvre alors la route juste devant le premier peloton, se trompe de chemin et file tout droit au lieu de tourner à droite. Ses poursuivants commettent la même erreur. “Il n’y avait pas de signaleur, il a sauté sur la route au dernier moment”, témoignent plusieurs coureurs. Les premiers, qui avaient remporté la guerre de position les kilomètres précédents, se retrouvent en queue de paquet. Les derniers, eux, grappillent beaucoup de places. S'ensuit alors une véritable pagaille. Ça frottait fort, c’était vraiment de la survie”, assure le Breton Jean Le Bot.

« J’AI PASSÉ LA JOURNÉE À ÊTRE LÂCHÉ ET À ME BATTRE POUR RENTRER »

L’Enfer débute pour de bon, sur les pavés. “Quand on voit ça à la télé, on ne s’imagine pas totalement ce que c’est. On voit que c’est dur mais le ressentir pour de bon, c’est différent, relate Camille Charret (Comité Auvergne-Rhône-Alpes), futur 13e sur la ligne. Lors de la reconnaissance, je m’étais dit : « ah oui quand même ! ». Il y avait de l’appréhension pour la course. Et pendant la course, c’était encore autre chose”. L’Auvergnat de Brioude ajoute : “les pavés, quand on n’a jamais roulé dessus, ça fait tout drôle au moment d’arriver dessus”. C’est alors du chacun pour soi ou presque. “Je voyais en me retournant que les autres faisaient la grimace, il ne fallait pas lâcher”, explique Tom Herteler.

L’Alsacien Aurélien Kayser résume la journée de beaucoup de concurrents, en quelques mots : “j’ai passé la journée à être lâché et à me battre pour rentrer. Physiquement, c’était vraiment dur. Mais à force de lutter, je remontais de groupe en groupe, en passant les mecs qui chutaient… Il fallait s’accrocher, encore et encore. Les relances à la sortie de chaque secteur faisaient très mal. J’étais tout le temps à fond, il n’y avait quasiment jamais de répit. Je me suis tellement battu… Quand je suis arrivé, je n’en pouvais plus”.

« IL NE FAUT RIEN LÂCHER DANS LA TÊTE, SINON… »

Malgré tout, certains ont pris du plaisir à se faire mal aux pattes sur ce qui restera assurément - même si nous ne sommes que début avril - comme l’une des courses les plus marquantes de la saison chez les U19. “Comme je fais du cyclo-cross, les pavés m’ont bien plu. J’aime ce genre de course où tout le monde finit complètement cramé”, assure Rémi Daumas (Comité Occitanie), récent lauréat de la première manche du Tour Région Sud. “J’ai eu du mal à me placer, c’était mon problème principal. Sur le premier secteur, je suis rentré très loin des premiers… J’ai pris des cassures sur les secteurs et je me suis retrouvé assez loin. J’ai remonté des coureurs au fur et à mesure, ajoute le Provençal, qui réside à Arles. Je n’ai pas du tout cherché à gérer ou à en garder. J’ai donné le maximum et j’ai fini cramé, comme tous les autres. C’est une expérience qui m’a beaucoup plu”.

Beaucoup, comme le Rémois Edgard Berthélémy (Comité Bourgogne-Franche-Comté), se sont vus à la place des Champions de Paris-Roubaix en secouant leur machine sur les pavés. “Ça m'a rappelé la dernière édition avec un temps monstrueux et la victoire de (Sonny) Colbrelli. Faire ce secteur de Mons-en-Pévèle, c’est un petit bout de Paris-Roubaix pour nous, c’est mythique”. Une fierté après coup, une grande souffrance sur l’instant. “Il y a eu une chute devant moi, le dérailleur s’est coincé sur le petit plateau… Il ne fallait rien lâcher dans la tête, même si c’était dur. Sinon, tu peux vite avoir envie de penser à bâcher, mais il ne faut surtout pas tomber là-dedans”, poursuit celui qui s’était acheté de nouveaux boyaux pour l’événement. “C’était important pour avoir plus de grip. Je suis descendu jusqu’à 5 bars car à 7,5, c’était impossible…”.

« J’AI DÉCOUVERT LA JOIE DES CLOQUES SUR LES MAINS »

Tous ces jeunes, qui pour beaucoup découvraient l’exigence des secteurs pavés d’une course de placement à ce niveau, ont tâché de rester le plus concentré possible sur leur effort. “Je pensais juste à mon coup de pédale, je restais bien concentré sur les pavés. Je ne voulais surtout pas tomber ou faire d’erreur”, dit Aurélien Kayser, le résident de Neubourg, non loin d’Haguenau (Bas-Rhin). Chacun espérait ne pas être victime d’une chute ou d’un incident mécanique. “En fin de course, une fois que les groupes étaient constitués, je me suis dit que ça aurait été vraiment bête de crever là…”, relate Jean Le Bot. “On n’y pense pas vraiment, on fait juste attention à ne pas tomber. Il fallait bien regarder où l’on mettait les roues”, ajoute Rémi Daumas.

L’ensemble des coureurs interrogés est en tout cas unanime sur deux points : “niveau intensité, c’est la plus dure que j’ai faite. Il n’y avait aucun moment pour se reposer”, synthétise Edgard Berthélémy. Mais tous ont vécu le bonheur de vivre cet événement important du calendrier, dans la douleur. Et en sont fiers, après coup. “J’ai tenu au mental”, lance Camille Charret. “Dans la boue, on perdait l’adhérence. J’ai découvert la joie des cloques sur les mains. Le corps était tétanisé par les pavés, conclut Tom Herteler. La douche a fait du bien ! Mais c’est super d’avoir vécu cette journée”.

  
    

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Portrait de Edgard BERTHELEMY
Portrait de Camille CHARRET
Portrait de Rémi DAUMAS
Portrait de Tom HERTELER
Portrait de Aurélien KAYSER
Portrait de Jean LE BOT