L'UCI ouvre les Championnats du Monde aux coureurs russes

Crédit photo Cloé Colinet - DirectVelo

Crédit photo Cloé Colinet - DirectVelo

L'UCI colle à la roue du CIO et le comité directeur de la fédération internationale, réuni à Cagliari en Sardaigne, a décidé de suivre les recommandations du Comité international olympique, émises le 28 mars dernier pour le retour des sportifs russes et biélorusses dans les compétitions internationales dont ils sont exclus depuis l'invasion de l'Ukraine par leurs pays, mais sous conditions.

La fédération internationale se prononce donc pour le retour des athlètes de ces deux pays dans les Coupe des Nations et le Championnat du Monde, en tant qu'"athlètes individuels neutres". Ils ne devront pas représenter leur pays (sous forme d'équipe nationale, comme l'interdit l'UCI depuis le 1er mars 2022) ni aucune organisation de leur pays. Les coureurs des deux pays alliés dans la guerre contre l'Ukraine pouvaient déjà être membres d'un groupe sportif UCI.

Le CIO, suivi par l'UCI, leur demande de respecter "pleinement la Charte olympique", c'est-à-dire ne pas soutenir la guerre en Ukraine et se conformer au code mondial antidopage. Pour les "athlètes individuels neutres, l’UCI déterminera les procédures et règles spécifiques" à remplir en matière de contrôles antidopage, en collaboration avec l’Autorité de Contrôles Internationale (ITA). Rappelons que le Tribunal arbitral du sport a confirmé en 2020 que les autorités russes ont manipulé pendant plusieurs années les résultats du laboratoire antidopage de Moscou pour dissimuler un système de dopage organisé. Pour cette raison, lors des Jeux olympiques de Tokyo les sportifs russes concouraient sous le drapeau de leur comité olympique et pour les Championnats du Monde 2021, les coureurs russes étaient réunis sous la bannière de leur fédération et non sous celle de leur pays.

Le CIO, et donc l'UCI, maintiennent en revanche l'interdiction de manifestations sportives internationales reconnues par une fédération internationale en Russie et en Biélorussie. L'UCI confirme qu'elle refuse d'inscrire les Championnats nationaux des deux pays à son calendrier.

QUELLES RÉACTIONS EN EUROPE ?

Le 25 janvier, la commission exécutive du Comité international olympique a adopté les propositions sorties du Sommet olympique du 9 décembre 2022 sur le retour d'athlètes russes et biélorusses dans les compétitions internationales. Le CIO explique sa position par la "mission unificatrice [du sport], en particulier en ces temps de guerre" et sur le fait qu'aucun athlète "ne devrait être interdit de compétition sur la seule base de son passeport". Le CIO argue aussi de la résolution de l'Assemblée générale de l'ONU, signée par l'Ukraine, la Russie et la Biélorussie, le 1er décembre dernier, qui convenait "de respecter le caractère unificateur et conciliateur de(s) (grandes) manifestations (sportives)". Le 28 mars, cette commission exécutive avait détaillé les conditions pour le retour des athlètes russes et biélorusses dans les compétitions internationales, sans pour autant se prononcer pour leur participation aux JO de Paris 2024.

Avant la prise de position de l'UCI, le Président de l'Union européenne de cyclisme (où sont affiliées les fédérations russes et biélorusses), Enrico Della Casa, a avoué sa peur des réactions dans les pays du continent hostiles au retour de ces athlètes "et qui pourraient maintenir des restrictions sur leurs territoires respectifs en dépit des principes de la Charte olympique ainsi que de l’autonomie et de la neutralité du Mouvement olympique". L’UEC souhaite que le CIO intervienne "auprès des différents gouvernements afin que les Fédérations Nationales, les organisateurs et les athlètes ne soient pas mis en difficulté s’ils devaient organiser ou participer à des épreuves qui pourraient être ouvertes aux athlètes russes et biélorusses".

Depuis trois mois, plusieurs voix se sont élevées pour protester contre le retour des sportifs russes. À commencer par le principal intéressé, l'Ukraine mais aussi ses voisins et voisins de la Russie : la Pologne, l'Estonie, la Lituanie et la Lettonie. Dans une déclaration commune publiée lundi 27 mars, les cinq pays rappellent qu'"il n’existe pas une seule raison de s’éloigner du régime d’exclusion des athlètes russes et biélorusses établi par le CIO il y a plus d’un an. Ce n’est pas la nationalité des athlètes qui détermine leur rôle, mais le fait qu’ils soient parrainés ou soutenus par leurs gouvernements ou entreprises soutenant le régime russe, qui poursuit sa guerre d’agression contre l’Ukraine, voire qu’ils soient affiliés directement avec l’armée russe". En effet, le CSKA Moscou, club sous tutelle de l'armée, compte plusieurs sections sportives. D'ailleurs, l'UCI cite dans son communiqué "l'absence de lien contractuel ou autre avec l’armée de la Fédération de Russie ou de la République du Bélarus, ainsi qu’avec toute agence de sécurité étatique" pour pouvoir obtenir le statut d'athlète neutre.

Du côté russe, la position du CIO n'est pas beaucoup mieux acceptée. Pour Oleg Matytsin, le ministre russe des Sports, les conditions posées par le CIO (la neutralité, l'absence de soutien à la guerre et le respect du code antidopage) ne sont pas acceptables. "Nous considérons qu'il est inacceptable de déterminer des conditions spéciales de participation des athlètes, c'est incompatible avec la Charte olympique, les principes d'égalité et d'équité", a-t-il expliqué.

L'ESCRIME ET LA BOXE ONT ANTICIPÉ

D'autres pays européens ont pris position. Le gouvernement britannique a demandé aux principaux commanditaires des Jeux olympiques de faire pression sur le CIO pour qu'il renonce à la participation de sportifs russes. Or, c'est en Grande-Bretagne que les Super Championnats du Monde auront lieu cette année, en Ecosse. Le 16 février 2023 après la visite du président ukrainien, le Parlement européen a voté une résolution en faveur de l'Ukraine. Ce texte condamnait "la décision du Comité international olympique d’autoriser les athlètes russes et biélorusses à participer sous drapeau neutre aux qualifications pour les Jeux olympiques de Paris de 2024, qui va à l’encontre de l’isolement multiforme de ces pays et sera utilisée par les deux régimes à des fins de propagande". Le parlement européen demandait aux États membres de faire pression sur le CIO pour qu'il fasse machine arrière.

Depuis le mois de février, plusieurs fédérations sportives ont anticipé ou encouragé ce retour des équipes russes et biélorusses. Après l'Asie, c'est en Afrique, où la Russie développe son influence, que l'ACNOA, l'association des comités olympiques s'est alignée sur la position du CIO du mois de janvier. Elle s'est prononcée "à l’unanimité en faveur de la participation des athlètes russes et biélorusses à toutes les compétitions internationales". Du côté des fédérations internationales, la FIE, pour l'escrime, a décidé le 10 mars le retour des Russes et Biélorusses dans les compétitions internationales. La fédération de boxe, l'IBA, a ouvert ses Championnats du Monde, féminins et masculins, aux Russes et Biélorusses ce qui a provoqué une vague de boycotts de plusieurs pays dont l'Ukraine et l'Angleterre. La fédération française de boxe a, elle, décidé d'y participer sans opposition de la part du gouvernement. L'IBA est présidée par un Russe, Umar Kremlev.

Du côté de l'athlétisme, World Athletics a décidé le 23 mars de lever la suspension de la fédération russe pour cause de dopage qui datait de 2015. Mais la Russie et la Biélorussie restent interdites de toute manifestation internationale ou européenne d'athlétisme. L'UCI, elle, n'aura pas besoin de réintégrer les fédérations russes et biélorusses puisqu'elle ne les a jamais suspendues. Son communiqué prend d'ailleurs bien soin de parler de "gouvernement russe, soutenu par le gouvernement bélarusse", et pas de Russie et de Biélorussie pour désigner les responsables de "l'agression de l'Ukraine".

Mots-clés